Une nouvelle révolution qui bouscule le métier… sans le remplacer ?
La GenAI transforme-t-elle en profondeur les métiers du développement ? Est-elle une menace aujourd’hui pour nos jobs techniques, ou une opportunité ? Cette question épineuse était au cœur du meetup de l’AWS User Group Bordeaux du 16 septembre, où Sébastien Stormacq, Principal Developer Advocate AWS et animateur du célèbre podcast AWS en français, a démystifié les idées reçues sur l’IA et exploré à quoi pourrait ressembler le profil “augmenté” des développeurs de demain. On vous embarque.

L’IA comme booster de productivité
Une démonstration concrète des capacités de la GenAI
Sébastien a ouvert sa présentation par la démo d’un projet perso : le développement d’un jeu Pac-Man en Swift pour iOS, dans un style “néo-rétro”, réalisé en une heure avec l’aide d’Amazon Q Developer, lui-même intégré dans l’IDE Kiro d’AWS. Dès le premier prompt, le LLM en background (ici Claude Sonnet 4) a généré un code fonctionnel, propre, avec une structure MVC correcte et qui compilait sans erreurs. Il n’a fallu qu’une poignée d’itérations supplémentaires pour polir le jeu et arriver à une version fonctionnelle et stable.
Cette démonstration sur un projet plutôt simple et aux specs claires illustre parfaitement les capacités actuelles des outils d’IA générative dans ce cadre :
- Génération de code ultra-rapide pour des problématiques bien définies (et bien “promptées”…)
- Structure de code cohérente respectant des bonnes pratiques (MVC, clean code, documentation, etc.)
- Compilation immédiate du projet sans erreurs syntaxiques majeures
Bien entendu, cette efficacité reste conditionnée à la simplicité du projet et à la clarté du cahier des charges initial. À l’inverse, les projets avec une logique métier complexe, des contraintes de performance strictes ou une architecture distribuée nécessitent encore une expertise développeur significative.
La GenAI démocratise donc le développement d’apps simples pour les non-développeurs, tout en accélérant significativement la productivité des équipes de développement expérimentées qui délèguent et orchestrent.
Les domaines d’excellence de l’IA aujourd’hui
Les outils de GenAI excellent actuellement dans plusieurs domaines qui s’élargissent rapidement :
- Tests unitaires automatisés
- Troubleshooting et déboggage (de l’IDE jusqu’aux incidents de prod…A+ StackOverflow)
- Traduction d’un langage de dev à un autre
- Développement de GUI à partir de simples drafts
- Transformation d’architecture “sur papier” en Infrastructure as Code (Terraform, CloudFormation, SAM, etc.)
Pour ne citer qu’eux…
Sébastien nous a proposé une seconde démonstration, toujours avec Amazon Q et Kiro, qui démontre cette polyvalence : création d’une fonction Lambda Swift calculant la distance GPS entre deux coordonnées, avec génération automatique des structures de données, documentation, algorithme, handler Lambda, compilation pour Amazon Linux et déploiement via SAM avec API Gateway… En un prompt, une application documentée, livrée et utilisable immédiatement dans le cloud !

Au-delà de la “hype” : réalités et limites
Des gains de productivité aujourd’hui mesurables
Sébastien nous a rappelé quelques études qui montrent des gains concrets mais nuancés :
- Mercado Libre : les devs passeraient 50% moins de temps à écrire du code grâce à Copilot
- Étude Google : les devs seniors travailleraient 21% plus rapidement
Ces chiffres démontrent un impact réel sur les entreprises et nos métiers, mais encore loin du bouleversement total souvent fantasmé. Nous ne sommes qu’au début de l’histoire…
Cette enquête de StackOverflow montre quand même une adoption de plus en plus massive par les acteurs du dev : 84% des répondants utilisent ou prévoient d’utiliser des outils IA (contre 76% l’an dernier) et 51% des développeurs professionnels les utilisent quotidiennement.
Toutefois, une étude METR de 2025 sur des développeurs expérimentés montre que les gains peuvent varier selon le contexte et l’expertise, rappelant l’importance de mesurer objectivement ces impacts.
Des préjugés à déconstruire
Sébastien est revenu sur de nombreuses idées reçues autour de la GenAI :
“L’IA va remplacer les devs” : Faux. Un(e) dev ne fait pas que coder et heureusement : il/elle dialogue avec le métier, conçoit des systèmes, débugue, collabore avec les équipes et navigue dans la politique d’entreprise parfois complexe. L’IA reste limitée sur la compréhension des besoins business complexes pour le moment et ne peut pas jouer ce rôle d’orchestrateur et de sachant de plus haut niveau.
“Le code généré par l’IA est de mauvaise qualité” : Partiellement faux. Pour des tâches bien définies et précises, l’IA produit du code de bonne qualité, sans fatigue ni raccourcis. Elle peut même identifier des “edge cases” spécifiques que l’équipe de dev pourrait omettre.
“Apprendre à coder ne sert plus à rien” : Faux. C’est comme dire qu’avec une calculette, apprendre les maths devient inutile. Le développeur ou la développeuse conserve un droit de regard essentiel sur le code généré : validation fonctionnelle, qualité suffisante du code pour passer en prod, expertise et compréhension globale des enjeux techniques et business.
Sa présence est toujours critique pour mener à bien les projets, mais ses attributions et son panel de compétences évolue.

L’effet paradoxal : plus d’IA, plus de développeurs ?
Le paradoxe de Jevons appliqué au développement
Un phénomène contre-intuitif émerge déjà : “More AI coding = more developers“. Cette observation s’explique par l’effet rebond, similaire au paradoxe de Jevons observé historiquement avec les machines à vapeur. William Stanley Jevons observait dès 1865 que l’amélioration de l’efficacité des machines à vapeur avait paradoxalement augmenté la consommation de charbon au lieu de la réduire. Ce paradoxe de Jevons énonce qu’à mesure que les améliorations technologiques augmentent l’efficacité d’une ressource, sa consommation totale peut augmenter.
Dans notre domaine, l’efficacité de ces nouveaux outils entraîne que :
- Le coût par ligne de code diminue.
- De nouveaux projets deviennent viables économiquement.
- La demande globale augmente au lieu de diminuer.
Nouveaux défis à maîtriser
Cette multiplication du code généré crée de nouveaux enjeux :
- Volume de commits et pull requests en augmentation, nos dépôts sont de plus en plus actifs.
- Temps de review non extensible, nécessitant toujours plus de “curateurs” (ou “reviewers”) pour ne pas avoir de “goulots d’étranglement” sur le chemin vers le merge.
- Émergence de projets un peu partout… avec un risque de shadow IT : des non-développeurs peuvent désormais produire du code pour des besoins métiers spécifiques, parfois non priorisés par les équipes IT faute de temps ou de budget. Grâce à leur expertise métier et l’aide de l’IA, ils peuvent désormais produire des apps en autonomie…
- Qualité à surveiller : le code généré rapidement peut masquer des problèmes d’architecture ou de performance qui se révèlent plus tard, alimentant une dette technique.
Vers un nouveau profil : le développeur-curateur ?
De la création à la curation…
L’évolution du métier se dessine clairement : passage du “code writer” au “code curator”. Cette transformation rappelle la différence entre un pigiste et un éditeur en chef dans la rédaction d’un journal, du rôle de “petite-main” au rôle de “chef d’orchestre”.
Le développeur moderne devient un “IA wrangler” – un dompteur d’IA – maîtrisant :
- L’art du prompt engineering.
- La création de bibliothèques/repositories de prompts communautaires et réutilisables dans l’entreprise et pourquoi pas dans une communauté plus large.
- L’évaluation critique du code généré.
- La gouvernance et la validation des outputs IA selon les standards de l’entreprise.
- L’assemblage et la composition des solutions techniques, avec une vision architecturale de plus haut niveau.
Des compétences essentielles émergent ou se renforcent
Les nouvelles compétences clés incluent donc :
- Pensée systémique : vision d’ensemble des systèmes, capacité à prendre de la hauteur, de comprendre les interactions entre de nombreuses briques techniques, partenaires externes, différentes organisations humaines, etc.
- Évaluation : capacité à juger la qualité et la pertinence de ce que produit la GenAI.
- Formulation de problèmes : définition précise des problématiques et capacité à déterminer quand l’IA apporte une réelle valeur ajoutée – la question n’est plus “peut-on le faire ?” mais “doit-on le faire ?”
- Éthique : considérations éthiques dans l’utilisation de l’IA, et bien sûr écologiques.
- Collaboration : travail en équipe homme-machine : les outils de GenAI deviennent un interlocuteur à tous les niveaux de l’entreprise avec lequel composer. Ils font partie intégrante de l’organisation humaine.

L’humain au centre de la transformation
Ce qui reste irremplaçable
Malgré les avancées folles de l’IA, l’humain conserve un rôle central :
- Création de solutions que l’IA ne peut concevoir !
- Jugement critique sur les productions de l’IA.
- Vision d’ensemble : architecture globale, cohérence des systèmes.
- Compréhension des domaines métiers : finance, santé, assurance, etc.
Ce changement soulève une question stratégique : est-il plus efficace de former des développeurs aux domaines métiers ou d’outiller les experts métiers pour qu’ils génèrent du code ? Cette convergence rappelle l’évolution du DevOps, où les frontières entre équipes traditionnelles (Build/Run/Dev/Ops, etc.) se sont estompées.

Quid de l’expertise Daveo dans cette transformation ?
Chez Daveo, nous accompagnons cette transformation en aidant nos clients à :
- Intégrer intelligemment les outils d’IA générative dans leurs processus de développement.
- Former leurs équipes aux nouveaux panels de compétences qui gravitent autour de l’IA.
- Développer des stratégies d’adoption progressive et mesurée.
- Maintenir la qualité et la sécurité des développements augmentés par l’IA.
Notre approche pragmatique reconnaît que l’IA est un amplificateur puissant, mais que l’expertise humaine reste le facteur clé dans la création de solutions innovantes et adaptées aux enjeux métiers.
En conclusion de ce talk…
L’IA générative ne remplacera pas les développeurs mais transformera profondément leur métier. Cette évolution, loin d’être une menace, représente une opportunité de redéfinir le rôle vers des activités à plus haute valeur ajoutée : architecture, innovation et résolution de problèmes complexes.
L’avenir appartient aux devs qui sauront orchestrer ce nouvel écosystème technologique, en gardant l’humain au centre : créativité, jugement critique et vision stratégique restent nos atouts différenciants dans cette nouvelle ère du “dev augmenté“.